L'unique interview jamais réalisée
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en tous cas, en 2006)
En l’absence de ses trois autres compères, Pascal, le guitariste de Combo Quilombo, se prète au jeu de cette interview imaginaire. |
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« Toute personne prise en flagrant délit de chanter une de mes chansons sans ma permission… deviendra sûrement de mes bons amis, parce que c’est la raison principale pour laquelle je l’ai écrite. »
Woodie Guthrie (USA, 1912-1967). Sur sa guitare était écrit : "Cette machine tue les fascistes". |
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- Pourquoi ce nom de Combo Quilombo ?
- Dans le Brésil esclavagiste, les Quilombo étaient des communautés d’individus fuyant la servitude. Certaines, telle la plus connue, celle de Palmarès, néanmoins critiquable à plus d’un titre, s’étaient organisées en République. Outre leur caractère d’insoumission viscérale, ces Quilombo sont autant de laboratoires d’expérimentations sociales autonomes, réalisées par des gens qui ne supportaient plus leurs conditions d’existence.
- Pourquoi le blues comme moyen d’expression ?
- Parce que plus que tout autre musique peut-être, le blues restitue la misère et la souffrance du travail. Il suffit de constater l’injustice sociale et le blues vient tout seul : unevie de merde, avec un boulot merdique ou pas de boulot du tout, c’est selon ; et puis des refuges tout aussi merdeux où chacun tente de se mettre à l’abri de la violence de nos vies l’espace d’un instant : ça peut aller de son émission favorite, à sa séance de sport, de musique ou de lecture, en passant par deschoses beaucoup plus dures comme l’alcool et autres paradis artificiels. Issue de l’esclavage, le blues est une musique qui est capable (comme d’autres) d’exprimer avec une puissance à laquelle je suis très sensible des sentiments tels que la privation et l’injustice. Ce sont des sentiments proches de ceux qu’éprouvent quotidiennement des millions de gens dans le monde ; 20 % des habitants de la planète consomment 80 % des richesses, en conséquence, un terrien sur trois vit avec moins de 2€ par jour, une personne sur six n’a pas accès à l’eau potable, une sur huit souffre de la faim et 30 000 enfants meurent quotidiennement de causes dont on connaît les remèdes : malnutrition, hygiène, santé, etc... Cela résulte clairement d’une répartition injuste des richesses de notre planète, entre ceux qui vivent dans l’opulence et le confort et font tourner l’économie mondiale à leur avantage et ceux qui crèvent la faim et n’ont rien d’autre à monnayer que leur force de travail. Certes, nous ne sommes plus au temps de l’esclavage (quoi que, on compte encore au moins deux cent millions d’êtres humains assujettis à cette ignoble condition - c’est vrai que ces personnes n’ont guère le temps de jouer de la musique, et si ils en jouent, ce n’est pas forcément du blues…) mais, malgré le maquillage libérale et démocratique du XXIème siècle, ce processus, qu’on appelle aussi la « lutte des classes » n’est guère différent dans son principe de celui de l’esclavage : il s’agit toujours d’échanger sa vie contre sa pitance journalière…
- Comment as-tu rencontré le blues ?
- Et bien pas par Stevie Ray Vaughan ! C’est plutôt Johnny Winter qui me l’a réellement présenté. Et puis aussi Rory Gallagher. Faut dire que j’y avais été lentement préparé par l’intermédiaire d’Aérosmith, Deep Purple, Ten Years after, sans oublier Queen et Pink Floyd. Et puis j’habitais la région parisienne et Radio Libertaire diffusait déjà « Blues en Liberté » tous les mercredi, la seule émission de blues à ma connaissance à l’époque, et que j’essayais d’enregistrer dans la mesure du possible puisque je travaillais ces jours-là.
- La politique semble revêtir une grande importance dans vos compositions...
- C’est que je n’ai jamais oublié ni où, ni ceux avec qui j’ai grandi. Il me semble que la politique fait inexorablement partie de notre vie, à tous ; même ceux qui croient ne pas faire de politique en font malgré eux puisque choisir de ne pas faire de politique, c’est déjà adopter une posture politique… on n’y échappe pas ! Comme dit Assassin : « Si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi !». Autrement dit, pour moi, militer est une activité aussi humaine que se nourrir, s’informer, pratiquer la guitare ou l’aïkido. Non seulement elle est vitale, dans la mesure où notre façon de vivre n’est pas neutre et peut avoir des conséquences sur celle d’autrui, rien qu’au niveau écologique, par exemple, si on pense aux émissions de gaz toxiques ou à la gestion des déchets radioactifs, ils nous faut donc, en tant qu’êtres humains en assumer la responsabilité ; mais aussi au niveau individuel, cela permet de participer à la vie de la cité, d’assumer pleinement son rôle de citoyen, de ne plus laisser la gestion de nos vies à des professionnels de la politique sur lesquels nous n’avons plus aucun contrôle une fois qu’ils sont élus. Et pour finir, cette activité nous donne l’opportunité de sortir de notre isolement, de lutter contre l’atomisation vers laquelle nous pousse la société consumériste et totalitaire en tissant du lien social… ça fait déjà pas mal d’avantages, non ?
En résumé, je trouve que cela fait partie de l’épanouissement de la personnalité de chacun, de la réalisation et de la libération de l’« honnête homme » comme on disait jadis.
Par ailleurs, et c’est là une question de goût, j’approuve totalement les propos de Léo Ferré lorsqu’il déclare que « les plus beaux chants sont des chants de revendication », ceux-là me vont droit aux tripes, ce sont ceux qui m’émeuvent le plus. Mais je me retrouve également dans les paroles de Keith Richards qui définit le rock comme « une rébellion contre l’ennui et le conformisme ». On pourrait dire qu’un métissage de ces deux citations pourrait peut-être convenir à nos chansons…
- Certains de vos titres sonnent carrément comme des slogans ?
- Bien vu l’ami… ! Bien que parfois légèrement modifiés, ils sortent tout droit des cortèges de manifestations. L’idée, quand on trouve que la cause est juste, c’est de faire perdurer ces slogans au delà de la dissolution de la manif. Les intégrer au corps d’une chanson rappelle leur réalité quotidienne. C’est en ce sens que notre blues est « radical ».
- D’autres sont de véritables jeux de mots.
- Mmmm, pour ce qui me concerne, j’adore jouer avec ma langue…
- Pourrai-tu nous parler de tes influences ?
- Je n’écoute pas de tout : ni techno, ni varièt, ni opéra, ni musique classique, encore une fois par goût. Je n’ai pas la chance d’être ému par ces courants musicaux. Cependant, j’essaie de jeter
une oreille sur tout et d’avoir un éventail musical assez large. J’admets qu’on ne les entends pas trop sur notre 1er album, mais je pourrais dire que mes influences musicales s’étendent des Caraïbes au Moyen-Orient, en passant par la Cordillère des Andes, l’Armorique et le Sahara. Ça, c’est pour la partie « folk », pompeusement appelée aujourd’hui « world music » pour d’évidentes raisons commerciales. Si je ne reviens pas sur mes influences anglo-saxonnes exprimées tout à l’heure, il me reste à parler de la chanson française… il suffit pour cela de citer Renaud, Trust, Hubert Félix Thiefaine, Jacques Higelin, sans oublier Béranger et Font et Val, qui m’ont tous plus ou moins poussé à mettre en musique mes pensées…
- Un dernier mot, « Entr’aide » a été enregistré à Niamey…
- Oui, faut dire que c’est là que Michel a son studio. Je regrette que les sujets abordés dans l’album soient si éloignés des réalités nigériennes. On ne peut pas dire non plus que la musique soit très locale… Par le hasard de la vie, nos chansons ont germé dans la région parisienne et éclôt à Niamey… Le Niger est le pays le plus pauvre du monde selon l’Indice de Développement Humain. Quoi d’étonnant à ce qu’il en jaillisse un CD qui appelle à l’ « Entr’aide », à la construction d’un monde plus juste et à un autre futur ?
A lire également : les chansons en détails (historique, paroles...)
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