Le combat syndicaliste (n°318, juin 2007) | |
Blues not dead ! Combo Quilombo, quatuor de blues, puise dans la musique noire une force de rébellion. Entretien par e-mail avec Pascal, un des auteur-chanteur-guitariste-compositeur du groupe.
Il s’agissait dans un premier temps d’enregistrer une poignée de chansons de lutte ou "chanson-tract", abordant des thèmes comme le salariat, l’exclusion ou la liberté de circulation, par exemple, à travers des situations de la vie quotidienne. Comme on est aussi musicien, on y a glissé quelques instrumentaux, électriques et acoustiques.
La chanson-tract est un concept intéressant dans la mesure où il induit le don, l’offre, c’est-à-dire la gratuité en esquivant tout rapport à l’argent. L’idée principale était de mettre ces chansons à disposition de tou(te)s, pour des compil’ de soutien, ou les sound-system, les bandes son de concerts, de manifs ou de tables de presse. Donc, sans SACEM, ni droits d’auteur !
Parce que nous nous inscrivons dans une histoire de lutte ! Personnellement, j'éprouve un réel plaisir à faire résonner ces notes aujourd'hui. Bien évidemment pour ce qu'elles représentent, mais aussi plus simplement parce qu'elles sont belles ; nos idées sont belles et elles ne demandent qu'à être partagées... à nous de les faire entendre. Personne ne le fera à notre place ! C'est la raison pour laquelle le mouvement la "réappropriation de la mémoire" qui mobilise tant d'énergie en ce moment en Espagne me semble si important.
Et comment ! Je suis en train de mettre la dernière main à une traduction d'une des oeuvres d'Eduardo de Guzmán qui raconte les 4 premiers et les 5 derniers jours de la guerre d'Espagne : "La Mort de l'Espoir".
Tout le monde n’est pas militant dans le groupe, mais tout le monde a bénévolement mis à la disposition de ce projet son énergie, son temps, son matériel et son talent et quand je parle du "groupe", je veux parler du groupe au sens large en incluant notre "webmaster" sans qui notre projet n’aurait jamais gagné sa dimension "internautique". Elle est fondamentale, puisque c’est justement elle qui met les morceaux à disposition de [presque] tou(te)s.
Non, on ne peut pas encore dire que Combo Quilombo soit un groupe "virtuel". On envisage d'ailleurs un tournée pour cet été avec plusieurs dates, à commencer par celle d'un grand festival de blues du sud-ouest de la France, si on arrive à obtenir des financements pour les billets d'avion et les frais de séjours de tous les musiciens et surtout... les visas pour Karim et Emmanuel.
Depuis le XVIeme siècle, où l'esclavage a été intégré à l'industrie, des femmes et des hommes ont fui leurs conditions d'existence (et de travail !) pour essayer de construire un "autre futur"... Au Brésil, dans l'immensité de la forêt amazonienne et bien que de façon précaire, certain(e)s ont pu se retrouver et s'organiser pour construire un monde libre, ou tout au moins libéré de la servitude de l'exploiteur. On les appelait "Quilombos" au Brésil, mais aussi "mocambos", "palenques", "îlets à cordes" ou "cumbes" ailleurs. C'est pour cette idée à la fois de laboratoire social et de refus de la servitude (notamment salariale !) que ce nom a été retenu.
Euh, oui ; disons que ce nom fait parfaitement le lien entre d'un côté, le contenu social des textes et de l'autre, la musique qu'on joue par affinité. Disons pour être plus juste, qu'on essaie de s'exprimer en jouant du blues parce ça nous plaît et qu'il se trouve que ce courant musical s'inscrit dans un courant de lutte historique que nous revendiquons et que nous tentons par notre démarche de réhabiliter.
Peut-être, comme "Entr'aide" a été plutôt bien accueilli dans le monde du blues francophone, on s'est senti encouragé. Il faut qu'on voit dans quelle mesure on pourrait enregistrer un nouvel album, peut-être l'année prochaine, avec toujours du "Blues Radical" mais aussi plus de métissage dans la musique.
Exactement ! Tout pour tous ! Tu connais ce slogan zapatiste, n'est-ce pas...? nous l'avons repris pour l'instrumental qui ouvre l'album. Tu l'auras compris, la gratuité est un des piliers de ce projet et le site en est le vecteur : tout est en libre service ! La gratuité est un puissant levier dans la mesure où non seulement le don empoisonne le capitalisme, mais en plus elle permet de se questionner : Pourquoi est-ce qu'on travaille ? A quoi ce travail nous donne-t-il accès ? Qui produit les richesses ? Pour qui ? Dans quelles conditions professionnelles, sociales, environnementales ? Qui choisit la production ? En fonction de quoi est-elle déterminée ? Comment est-elle répartie ? Quel est le rôle des services publics ? Et si tous nos emplois étaient des "services publics" ? Et si tout était gratuit ? En fin de compte, elle nous fait nous interroger sur la place qu'on occupe dans le monde dans lequel on vit... Bien sûr qu'on ne veut pas que la création devienne une marchandise. Création et profit nous conduisent tout droit au marketing et au formatage de la culture. C'est la fin de la diversité culturelle. C'est une logique de mort. Nous nous inscrivons au contraire dans une démarche de réappropriation de la culture. Si effectivement on chante "Tout est à nous" ou "Tout pour tou(te)s", alors il faut qu'on se débrouille pour mettre concrètement cette culture à la portée de chacun(e), à plus forte raison lorsqu'on essaie de forger des outils de lutte ! Internet, même si tout le monde n'est pas connecté(e) nous en donne les moyens... et pour finir de répondre à ta question, dans un souci de cohérence, on serait bien malvenus de chercher à faire du fric avec des chansons qui prônent la disparition de l'argent...!
C'est vrai, on n'est pas tous des professionnels de la musique dans le groupe, mais certains le sont... on bosse tous à côté ! C'est la raison pour laquelle, cet album est véritablement une création militante, car chacun y a mis ce qu'il pouvait, en fonction de ses moyens (car bien que gratuit par volonté, cet album a néanmoins un coût) et toujours en plus de ces heures de travail !
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